mardi 26 novembre 2013

DAMA




Sur la terre rendue vierge et fertile, l’homme nommé Dama est serein. Les mains posées sur l’argile douce du monde, il entonne une délicate mélopée qui résonne sur les pierres alentours, avant de s’égarer dans le paysage minéral. Quelque chose frémit au plus profond de la terre. Une mélodie étouffée se fraie un chemin jusqu’à la surface. Une symphonie s’élève de la terre et l’englobe d’une chorale fabuleuse. Enfin, la première compagne crève la lisière du sol et se lève dans le désert. C’est Ava. Elle rejoint Dama, lui prend la main, s’assied à ses côtés et chante la paysage avec lui. Autour d’eux leurs compagnons éclosent dans un hymne léger et joyeux. Mais c’est sur l’air d’une douce ballade qu’ils viennent, femmes et hommes, s’asseoir en cercle autour de Dama. Lorsque la dernière note se dissout dans l’atmosphère, ils sont tous là main dans la main, prêt à cultiver un nouveau monde.

 Par l’union de l’eau douce, de la terre et de la lumière, la première graine germe, protégée des bêtes sauvages par le premier des enclos. Les petites pousses s’éveillent dans une ritournelle joyeuse que les hommes et les femmes entonnent en chœur. 

Dama s’en remet alors aux sages conseils des astres de la nuit et du cosmos agissant sur la terre, la mer, les hommes et les plantes. Le potager s’épanouit alors de cette union sous le regard blanc de la lune. Les humains patientent pendant que l’alchimie silencieuse du sol, de l’eau, de l’air, des ténèbres et de la lumière opère.

Ainsi nait l’ordonnance, la cadence, l’alignement, et la perspective dans le premier des potagers. Les hommes inventent un monde où chaque fruit cueilli, chaque légume ramassé revient à la communauté, un monde où chaque plante est soignée avec respect jusqu’à maturité, un monde où les hommes prennent le temps d’attendre.  Alors que le jardin s’épanouit,  les êtres humains prospèrent. Dama est fier. Les humains forment un seul et même être au service du jardin. 

Mais en ne voulant ne faire qu’un, les hommes ont oublié leurs existences propres. La masse digère chaque personnalité dans son infernale matrice. Le malaise germe dans les esprits. Les caractères se réveillent. Certains hommes veulent posséder, contrôler, réguler le jardin. La gangrène de l’envie et de la jalousie s’insinue dans la communauté. La brutalité apparait.  L’équilibre est rompu. Le chaos s’installe.

La peur domine le monde. Enfermé à l’intérieur d’eux-mêmes, les humains sont aveugles. Le jardin n’est plus un jardin. L’être humain n’est devenu qu’un engrais fertile propice à l’épanouissement d’une société absurde. Les récalcitrants finiront broyé dans l’obscurité des grottes d’où ils ne pourront plus nuire au bon fonctionnement du monde. Les autres se taisent.

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