Sur la terre rendue vierge et fertile, l’homme nommé Dama
est serein. Les mains posées sur l’argile douce du monde, il entonne une délicate
mélopée qui résonne sur les pierres alentours, avant de s’égarer dans le
paysage minéral. Quelque chose frémit au plus profond de la terre. Une mélodie étouffée
se fraie un chemin jusqu’à la surface. Une symphonie s’élève de la terre et l’englobe
d’une chorale fabuleuse. Enfin, la première compagne crève la lisière du sol et
se lève dans le désert. C’est Ava. Elle rejoint Dama, lui prend la main,
s’assied à ses côtés et chante la paysage avec lui. Autour d’eux leurs compagnons
éclosent dans un hymne léger et joyeux. Mais c’est sur l’air d’une douce
ballade qu’ils viennent, femmes et hommes, s’asseoir en cercle autour de Dama. Lorsque
la dernière note se dissout dans l’atmosphère, ils sont tous là main dans la
main, prêt à cultiver un nouveau monde.
Par l’union de l’eau
douce, de la terre et de la lumière, la première graine germe, protégée des
bêtes sauvages par le premier des enclos. Les petites pousses s’éveillent dans
une ritournelle joyeuse que les hommes et les femmes entonnent en chœur.
Dama s’en remet alors aux sages conseils des astres de la
nuit et du cosmos agissant sur la terre, la mer, les hommes et les plantes. Le
potager s’épanouit alors de cette union sous le regard blanc de la lune. Les
humains patientent pendant que l’alchimie silencieuse du sol, de l’eau, de
l’air, des ténèbres et de la lumière opère.
Ainsi nait l’ordonnance, la cadence, l’alignement, et la
perspective dans le premier des potagers. Les hommes inventent un monde où
chaque fruit cueilli, chaque légume ramassé revient à la communauté, un monde
où chaque plante est soignée avec respect jusqu’à maturité, un monde où les
hommes prennent le temps d’attendre.
Alors que le jardin s’épanouit,
les êtres humains prospèrent. Dama est fier. Les humains forment un seul
et même être au service du jardin.
Mais en ne voulant ne faire qu’un, les hommes ont oublié
leurs existences propres. La masse digère chaque personnalité dans son
infernale matrice. Le malaise germe dans les esprits. Les caractères se
réveillent. Certains hommes veulent posséder, contrôler, réguler le jardin. La gangrène
de l’envie et de la jalousie s’insinue dans la communauté. La brutalité
apparait. L’équilibre est rompu. Le
chaos s’installe.
La peur domine le monde. Enfermé à l’intérieur d’eux-mêmes,
les humains sont aveugles. Le jardin n’est plus un jardin. L’être humain n’est
devenu qu’un engrais fertile propice à l’épanouissement d’une société absurde.
Les récalcitrants finiront broyé dans l’obscurité des grottes d’où ils ne
pourront plus nuire au bon fonctionnement du monde. Les autres se taisent.
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